
CAMPOSANTO
PARIS DESIGN WEEK
2025
PRÉAMBULE
Après l’obtention du diplôme national des métiers du funéraire en 2024, Raphaël Groëlly signe aujourd’hui son grand retour sur la scène du design avec une nouvelle collection très attendue qui s’inscrit dans la continuité de ses projets antérieurs. Designer aux multiples pratiques, il explore ici les frontières entre mobilier d’art et design mortuaire, en renversant les codes établis traditionnellement associés au deuil et à la mémoire des êtres disparus.
Deux ans après APOSTASIE, sa précédente création dans laquelle il était question d’une église en proie aux flammes, l’artiste se détourne cette fois-ci de l’édifice toujours incandescent pour explorer l’univers sépulcral du cimetière attenant, nouveau théâtre de son expression. Ainsi prolonge-t-il cette narration autour des imaginaires du sacré et du profane. À travers ce déplacement symbolique, il explore un territoire où convergent beauté et mélancolie, proposant une conception renouvelée de l’objet funéraire.
Suivant la logique imparable de l’histoire qu’il esquisse au gré de ses projets, il inscrit son travail dans une pérennité comme un chapitrage rythmant son Œuvre, telle une fresque en constante expansion, dont voici le dernier opus. CAMPOSANTO
PREMIÈRE PARTIE - CAMPOSANTO
CAMPO - SANTO
Champ Consacré, Terre Sainte.
Dans son acception religieuse, le terme Camposanto désigne un lieu de sépulture. Un cimetière pensé comme une cité parallèle, reflet de celles des vivants que les morts abandonnent, imposant au regard la majesté de son paysage dans une ultime mise en scène. Qu’il se dresse dans la monumentalité de ses architectures, ou qu’il ne subsiste aujourd’hui plus qu’à travers la torpeur de ses ruines, il demeure le berceau fantastique de flâneries oniriques autant que d’insondables songes macabres.
Les premiers Camposanto furent érigés en Italie. Leur terre, prélevée sur la colline du Calvaire, portait en elle le poids des crucifixions et la mémoire du Christ supplicié. Sanctifiée par l’Histoire, cette précieuse cargaison rapportée par les navires partis en croisades, s’imposa comme la matrice prisée des cimetières sacrés. On raconte que les corps, dérobés à la surface du monde, s’y décomposaient en quelques heures. Comme si ce sol, abreuvé de sang martyr, hâtait le passage de la chair à l’os, du monde terrestre à l’éternel.
SECONDE PARTIE - LA COLLECTION
TABLES / PLAQUES & URNES FUNÉRAIRES
Avec cette collection, Raphaël Groëlly s’emploie à bâtir son propre Camposanto, revisitant le lieu qu’il passe au tamis d’une vision nouvelle. Il s’inspire notamment d’ouvrages soigneusement recensés aux abords de sanctuaires arpentés en Italie, terre de ses ancêtres. Ainsi puise-t-il dans la mémoire de ces lieux la substance de son œuvre.
Utilisés comme structures fondatrices de nombreux monuments, les échafaudages occupent ici une place essentielle. Fermement ancrés, ils forment la puissante ossature sur laquelle viennent s’ordonner les matériaux de construction : briques, et mortier. Ces charpentes massives, dans leur lente ascension, esquissent la silhouette d’une nécropole dont on devine progressivement les contours dentelés d’autant de mausolées.
Leurs briques justement, à travers les motifs qu’elles dessinent, semblent quant à elles révéler la nature des restes humains qu’elles abritent. Dévoilant jusqu’à leurs fondations métalliques, comme altérées par le passage du temps, les pièces de la collection évoquent ainsi des tombeaux entrouverts. Au milieu des pierres éparses, les ossements enfouis refont surface : ici un thorax, là un tibia, plus loin un crâne, un fémur, une croix.
À l’image des sépultures de ce Camposanto, toutes ces œuvres forment un paysage fictif minutieusement cartographié, où le visiteur chemine suivant les sentiers balisés par son créateur. Elles se confondent en une vertigineuse mise en abyme funèbre, transperçant les différentes strates superposées du sous-sol. Comme si, d’un seul regard, on pouvait sonder le fond d’un caveau, pénétrer son cercueil, en contempler le parterre jonché de ses restes exhumés. Chaque couche, fusionnant sur le même plan.
Dans sa forme finale, cette surface dépasse la fonction que lui assigne son designer : elle livre en seconde lecture l’épilogue de cette histoire. Arrachée à l’enceinte du cimetière, elle surgit dans la froide clarté d’un laboratoire. Pareille à une table d’autopsie sous les néons blafards, elle devient l’épicentre de toutes les attentions, interrogeant les fragments d’un passé ressuscité.
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CORPUS DE L'EXPOSITION
Catalogue raisonné des pièces présentées
LES TABLES
La collection CAMPOSANTO s’articule autour d’une large variété de tables. Chaque pièce diffère par les dimensions de son plateau, la hauteur de son piétement ou l’assemblage des briques qui compose son motif, offrant ainsi une multitude de configurations adaptées à des usages variés. Les pièces présentées dans l’exposition ont été choisies pour leur complémentarité et pour illustrer cette diversité.
Les motifs des plateaux sont définis à partir de squelettes démembrés. Leurs formats découlent des morceaux prélevés dans ces dépouilles. Le bureau / table de repas (1) correspond au corps entier. La table basse reprend les os des jambes, fémurs et tibias (3A), ou encore les côtes du thorax (3B). Le guéridon évoque l’humérus d’un bras (5). La console (4B) réunit des ossements issus de divers sujets. Et ainsi de suite, dans un rapport d’échelle respecté.
Les piétements se déclinent en 6 hauteurs - console (4A, 4B), bureau ou table de repas (1), table d’appoint (3B), table basse (3A), guéridon (5, 6A, 6B), et chevet (6C) - et s’adaptent en largeur et profondeur aux plateaux qu’ils supportent.
LES PLAQUES & URNES FUNÉRAIRES
Avec CAMPOSANTO, Raphaël Groëlly signe sa première ligne d’urnes funéraires (U1, U2, U3). Conçues comme de véritables architectures monolithiques, massives et radicales, elles n’affichent pas d’emblée leur destination mais dissimulent leur fonction ultime derrière une présence sculpturale. Le designer a imaginé pouvoir les acquérir de son vivant, comme des œuvres loin de toute évocation morbide, avant qu’elles ne deviennent, le moment venu, la dernière demeure chargée de la mémoire et l’énergie du quotidien.
Pour les cérémonies, ou à destination de caveaux familiaux, des stèles (6A, 6B, 6C) s’associent à chacune des urnes de la collection en guise de présentoir. Des plaques (2A, 2B), peuvent également en garnir les sépultures, scellées aux monuments, au-delà de leur simple présence ornementale.
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COLLECTION
Façonnées à la main, en grès, puis émaillées, les briques sont ensuite assemblées au mortier. Les piétements sont en acier. La palette chromatique, de blancs osseux et bruns terreux puisés dans les sols du cimetière, s’élève jusqu’aux bleus célestes de l’éther d’un ciel de Camposanto.
PIÈCES PRÉSENTÉES
Hauteur x Largeur x Profondeur :
1) bureau / table de repas, 73 x 190 x 84cm
2A) plaque, 41 x 29 x 4cm
2B) plaque, 46 x 41 x 4cm
3A) table basse, 36 x 87 x 47cm
3B) table basse / table d’appoint, 43 x 65 x 41cm
4A) console, 84 x 83 x 28cm
4B) console, 84 x 128 x 29cm
5) guéridon, 51 x 28 x 28cm
6A) guéridon / stèle pour urne, 51 x 41 x 29cm
6B) guéridon / stèle pour urne, 51 x 45 x 28cm
6C) chevet / stèle pour urne, 36 x 39 x 33cm
U1) urne funéraire, 35 x 17 x 12cm
U2) urne funéraire, 39 x 17 x 11cm
U3) urne funéraire, 39 x 17 x 11cm
SIMON PESIN Appartement-Galerie
PARIS DESIGN WEEK 2025
Texte Raphaël Groëlly
Direction artistique Raphaël Groëlly
Photographie Camille Gharbi x Raphaël Groëlly
Tous droits réservés Maison Raphaël Groëlly®

















